Une première en Europe et en Belgique pour Ergon

 

Avec la nouvelle passerelle piétonnière ‘Arbre Unique’, Evere (Bruxelles) accueille la première passerelle belge en Béton à Ultra Hautes Performances et la plus longue en une pièce, une primeur en Europe. Un échantillon audacieux de l’art de l’ingénieur.

La nouvelle passerelle, posée en décembre sur commande du gestionnaire des chemins de fer Infrabel, remplace un ouvrage datant de 1956. La passerelle qui surplombe la ligne de chemin de fer Schaerbeek -Hal présentait d’importantes fissures. Infrabel a donc décidé en 2014 de la remplacer. Le gestionnaire du rail a sollicité Ergon, qui décida d’examiner la question.

Pour ce projet, Ergon a proposé de prévoir un nouvel élément en béton préfabriqué, produit avec du Béton à Ultra Hautes Performances
(BUHP). Tout un symbole car l’ancienne passerelle était à l’époque aussi l’une des premières à utiliser du béton précontraint dans notre pays et que cette nouvelle passerelle est la toute première utilisant du BUHP.

Grâce au BUHP la passerelle a pu être construite avec une plus grande finesse, sans armature et malgré tout plus résistante qu’une passerelle utilisant un béton précontraint traditionnel. L’ouvrage d’art est constitué d’un tablier de 36 mètres de long, de 4 mètres de large et de maximum 10 cm d’épaisseur, porté par deux solives d’à peine dix centimètres d’épaisseur.

Il est évident qu’une telle réalisation a fait l’objet d’une étude préalable approfondie. Un véritable travail de pionnier. Pieter van der Zee, Directeur technique de CRH Structural Concrete Belgium explique : « En 2012, le Centre Scientifique et Technique de la Construction (CSTC) a entamé un projet de recherche sur les BUHP ».

« Non pas avec les compositions connues à l’époque en France, mais avec des granulats et des additifs, facilement disponibles en Belgique.
Faire dans la mesure du possible du BUHP un produit local : telle était l’intention. Chez Ergon nous avons fabriqué quelques poutres en « I » de sept mètres de long. Nous avons réalisé une quarantaine de prismes. Des petits morceaux ont ensuite été sciés et analysés ».

D’après ces essais, le CSTC a établi un rapport volumineux mais surtout les résultats de ces essais ont permis tous les rêves, selon Pieter van der Zee : « De temps en temps je suggérais, lors de réunions avec des collaborateurs du MOW EBS Ponts, Tuc Rail et Infrabel, l’idée  d’un pont en BUHP.
C’est toujours agréable d’imaginer une chose qui n’a jamais été faite avant. Chez Infrabel, ils étaient ouverts à intégrer un élément exceptionnel dans l’un de leurs projets ».

« Imaginer est une chose, réaliser en est une autre, une telle passerelle était-elle économiquement et techniquement réalisable ?
« Nous avons beaucoup travaillé sur ces points » relate Pieter « Cela a nécessité d’importantes concertations ».
« Chez Ergon chaque projet démarre à partir d’une nécessité économique. Une passerelle standard en béton préfabriqué aurait nécessité à cet endroit – qui est enclavé – une grue gigantesque. Il aurait alors fallu interrompre la ligne ferroviaire durant des jours. Cette  opération aurait été une corvée extrêmement coûteuse. Le défi consistait donc à alléger l’élément. Mais pour cela un béton de meilleure qualité était nécessaire. C’est ainsi que le BUHP a fait son entrée. »

Sur le plan technique la passerelle constitue un exploit. Quelles longueurs sont possibles ? Comment couler un mélange liquide de béton en pente ? Comment faire en sorte que tous ces mètres cubes de béton s’homogénéisent et forment un élément ? Comment éviter les fissures de retrait si aucune armature n’est utilisée ?
Voilà un échantillon des quelques dizaines de questions que se sont posés les techniciens. Pieter: « En 2016, après beaucoup de concertation et de plans, nous avons abouti à un double élément TT, de 36 mètres de long et 115 cm de haut situé sur une légère pente. Couler une pente en BUHP est de l’art en soi. Le béton autoplaçant est en effet très fluide et le couler en pente est particulièrement difficile, mais certainement pas impossible (sourire) »

Grâce au projet ‘Arbre Unique’ la Belgique a une passerelle en BUHP posée avec une grue de 800 t. La première passerelle en BUHP dans une longue série ? La réglementation européenne, à juste titre stricte mais parfois aussi trop rigide, rend l’implantation de telles nouvelles techniques difficiles, selon Pieter van der Zee : « Il n’existe provisoirement pas de normes prescrites sur lesquelles se baser, comme c’est le cas pour des projets traditionnels. Pour un bureau de contrôle technique comme Seco, il ne s’agit pas d’une situation habituelle. Nous avons pourtant su les convaincre grâce aux calculs que nous avons effectués. Au final, il faut que quelqu’un puisse donner son accord pour la garantie décennale.
En Europe, on parle depuis trente ans du BUHP, mais le nombre de projets se compte pour l’instant encore sur les doigts d’une main. »
Pourtant Pieter van der Zee croit fermement aux possibilités du BUHP « En soi, il s’agit d’un matériau très durable, résistant à l’usure. Son utilisation permet de réaliser des projets d’une finesse incroyable. »